Vous permettez que je mette mon grain de sel là-dedans ? (si vous dîtes non je suis mal)
Je résume la situation car le fil est vieux quand même : "les joueurs A et B sautent, B attrape le disque en passant son bras au-dessus de A (et sans le toucher), B retombe sur le pied de A".
Faute, pas faute ? Faute de qui sur qui d'ailleurs ? Reprenons du début. (règlement wfdf 2009 :
http://www.wfdf.org/rules/WFDF%20Rules%20of%20Ultimate%202009.pdf)
C'est quoi un contact à l'ultimate ?Deux règles entrent en jeu dans la formulation de la réponse : la règle 15.1 énonce que tout contact non fortuit entre deux joueurs adverses est une faute ce que confirme la règle 12.10 en stipulant qu'un contact fortuit n'est pas une faute. Bonnet blanc, blanc bonnet. Notez que je traduis l'anglais
incidental par fortuit, ce qui n'est pas complètement exact. J'entends donc par "contact fortuit" un contact involontaire et qui n'a pas d'implication notable sur les déroulements
possibles de l'action.
Un exemple. "Un joueur A et un joueur B courent cote à cote derrière le disque ; pendant la course, B se rapproche imperceptiblement de A, de sorte que leurs épaules se frottent légèrement l'une contre l'autre."
Si A et B continuent à courir comme s'ils ne s'étaient rendus compte de rien (et c'est souvent effectivement le cas pour un contact fortuit) alors ce n'est pas une faute.
Au contraire, si ce contact a déséquilibré A, blessé A, sonné A, déconcentré A, etc. alors c'est une faute de B que A est libre d'appeler ou non en fonction de son appréciation des conséquences de cette faute sur son propre jeu. En l'occurrence, si A a été déséquilibré, blessé ou sonné par ce contact, alors A va au minimum perdre du terrain sur B, ce que je considère être une conséquence suffisamment non négligeable sur le jeu de quelqu'un pour qu'il puisse appeler faute sans remord. Mais ce n'est pas toujours aussi simple. Si A est "seulement" déconcentré par ce contact (typiquement, A a ressenti un léger contact et regarde B, qui n'a visiblement rien senti, en se demandant s'il doit appeler faute), alors c'est bel et bien une faute parce que A n'est plus 100% dans l'action pendant cette fraction de seconde, ce qui suffit à affecter sa lecture du disque par exemple. Dans tous les cas, c'est à A de juger s'il appelle faute ou s'il laisse pisser.
J'ouvre une parenthèse parce que je vous sens surpris par cette conclusion. Pourtant je signe, si frôler A suffit à le perturber, alors on a fait faute et on n'avait qu'à faire l'action 1mm plus loin pour être
clean vis-à-vis de lui. Car je pense qu'il ne faut pas oublier que si A est perturbé par un contact que l'on juge léger, alors il y a fort à parier que A joue de façon à nous éviter de subir des contacts similaires de sa part, ce qui implique qu'il a plus de retenue sur une action que nous. Or, on ne peut décemment pas lui demander d'y aller plus franco dans ses actions sous prétexte qu'on a la peau plus dure que lui. C'est donc à nous de nous adapter en affichant une retenue similaire à la sienne. C'est sur, on ressentira une sorte d'injustice parce qu'on aura l'impression de moins bien jouer exprès. Mais d'après vous, si une équipe arrive en finale de championnat du monde en ayant un jeu un peu rugueux et qu'une autre y arrive en ayant un jeu ultra
clean… laquelle mériterait, au nom des valeurs de l'ultimate et du respect des règles du jeu (qui prônent l'absence de contact : 1.1, 1.4, 1.6, 12.9 et 12.10), de gagner cette finale ? Parenthèse fermée.
Revenons au cas pratique qui nous occupe : A et B sautent, B attrape le disque au-dessus de A et retombe sur le pied de A. Y-a-t-il faute ? Pour qu'il y ait faute, il faut un contact non fortuit entre A et B et le seul contact recensé est l'écrasage de pied. Franchement, je doute qu'on puisse le qualifier de fortuit car A a forcément été déconcentré par la douleur (il a au moins pensé "aïe") et a éventuellement été déséquilibré. Quant à B, il a sans doute également été déséquilibré. La faute est donc avérée car il y a eu contact non fortuit, mais le fautif n'est pas encore désigné si bien que les deux joueurs peuvent potentiellement appeler faute à ce stade de l'explication. Pour savoir qui de A et B est le fautif, il faut savoir qui est à l'origine du contact, ce qui conduit à expliquer le principe de verticalité.
Le principe de verticalité… Qu'est-ce donc et est-ce dangereux ?La règle 12.6 dit qu'un joueur A immobile sur le terrain a le droit de rester immobile sur le terrain et qu'en tant que joueur immobile sur le terrain, tout contact non fortuit avec un joueur adverse B est nécessairement une faute de B sur A. Bien-sûr, shooter du poing ou crocheter un adversaire qui passe à sa porté n'est pas considéré comme être immobile.
De plus, la règle 12.11 donne à notre joueur immobile le droit de sauter sur place pour attraper un frisbee qui serait au-dessus de lui (ou pour le plaisir de sauter s'il n'y a pas de frisbee) étant entendu qu'il ne s'amuse pas, là non plus, à donner des coups de poing ou autres pendant qu'il saute (pas de shoryuken donc). Ainsi, tant qu'il saute sur place, tout contact non fortuit avec B est forcément de la faute de B, même si c'est le saut de A qui provoque le contact (si par exemple B a son coude au-dessus de la tête de A et que A saute). C'est ça le principe de verticalité ; une sorte d'immunité contre les fautes. C'est simple non ?
Dans la pratique, c'est une version différente du principe de verticalité qui est appliquée. En effet, imaginons que B positionne son bras au-dessus de A. Tant que A ne saute pas, B ne touche pas A donc il n'y a pas faute. Pour qu'il y ait faute, il faut que A saute et se mange le coude de B. Or vous conviendrez que A puisse rechigner à l'idée de devoir se manger le coude de B pour qu'il y ait faute. Du coup on transforme l'énoncé du principe de verticalité en disant que B n'a pas le droit de se positionner de façon à entraver le saut de A : comprendre que A doit à tout moment rester libre de sauter sans se prendre un coup.
Dans la situation qui nous occupe, le fait d'être allé chercher le frisbee au-dessus de la tête de A n'est donc pas une faute en soit tant que cette action n'a pas empêché A de sauter pour jouer le disque. Or si j'ai bien compris, B est bien plus grand que A et il est donc plausible qu'il ait pu sauter si haut que A n'avait aucune chance de se prendre le bras en sautant et pouvait donc sauter comme si B n'était pas là. Dans le cas contraire, alors B fait faute au moment ou il place son bras au-dessus de A, avant même de lui écraser le pied en retombant et avant même d'attraper le disque.
Le principe de verticalité étendu.Au lieu de sauter sur place, un joueur A décide de sauter (ou de plonger) depuis sa position X vers la position Y sur le terrain ; étant entendu que la position Y, ainsi que la trajectoire X->Y qu'il prendra en vol sont libres au moment où il quitte le sol. Libre, ça veut dire qu'aucun joueur adverse ne s'y trouve ou ne vas y atterrir ou y passer à l'occasion d'un saut ou d'un plongeon qu'il aurait lui-même déjà entamé. Dans ce cas, tout contact non fortuit entre A et un joueur adverse B est forcément une faute de B. Cela traduit le fait que nous ne maitrisons pas le saut à la super mario (j'ai vu Yoda faire ça aussi) et qu'une fois en l'air il nous est difficile de freiner ou de changer de direction pour éviter un contact.
Dès lors, la difficulté à gérer l'incident de l'écrasage de pied prend maintenant tout son sens car les bonnes questions ne sont pas celles que l'on pense. On a vu que B avait le droit de prendre le frisbee au dessus de A du moment qu'il n'empêchait pas A de sauter lui-aussi pour jouer le frisbee. Je suppose que c'est le cas, sinon il y a déjà faute et c'est pas drôle. Du coup il faut déterminer qui de A ou de B a l'immunité pour savoir qui fait faute. Comme je n'étais pas sur place, je n'ai pas assez de précision pour trancher. Peut-être que B a légèrement écarté son pied vers l'extérieur, ce qui l'a conduit à atterrir sur le pied de A auquel cas B a atterri à une position du terrain qui était occupée par un joueur qui sautait sur place et qui avait donc l'immunité : faute de B. Peut-être que A est retombé en écartant sont pied vers l'extérieur, sous le pied de B, auquel cas A a atterri sur une position occupée par B qui a donc l'immunité puisqu'il saute sur place : faute de A. C'est peut-être un peu des deux :
play on.
Bref, ce qu'il faut retenir de ce pavé chiant, c'est que :
- Si vous restez immobiles ou que vous sautez sur place, alors on ne peut pas appeler de faute contre vous, quoi qu'il arrive.
- Si vous sautez vers une position libre au début du saut et en suivant une trajectoire libre également (personne n'y est et personne ne va y atterrir ou y passer), alors on ne peut pas appeler de faute contre vous, quoi qu'il arrive.
- Si vous vous sentez dans l'incapacité de sauter sur place comme bon vous semble parce que cela signifierait vous prendre un coup, alors il y a faute sur vous sans que le contact ait besoin d'avoir lieu.
Comme d'habitude, et même si je m'efforce d'appliquer les règles au pied de la lettre pour obtenir des conclusions plutôt que de les interpréter/déformer, ce post reflète ma compréhension des règles du jeu et non une vérité absolue. Vous êtes libres de ne pas être d'accord avec moi et en plus d'avoir raison !
Bonne soirée.
PS: Pour les anglophones, il y a ce document qui indique l'interprétation officielle des règles du jeu dans des cas concrets (
http://www.wfdf.org/rules/WFDF_Rules_of_Ultimate_2009_Interpretations.pdf).